A la recherche d’une vie profonde
Je me suis plongée récemment profondément dans les travaux de Cal Newport.
J’avais depuis longtemps entendu parler de son livre “Digital minimalism”, mais au moment de lancer mon entreprise avec l’envie de me faire une place sur la toile en tant que prof de yoga ou de , son propos ne m’attirait pas du tout… Au contraire, je pensais que c’était maintenant qu’il fallait être la plus présente possible : poster régulièrement sur Facebook, apprendre à décoder Instagram, poster des stories toutes les heures pour documenter sa journée dans les moindres détails… voire pourquoi pas regarder ce qui se passe du côté de Tik-Tok ?…
Finalement, je me suis bornée à ma page Facebook, la création d’un groupe Facebook privé (que j’ai beaucoup aimé faire vivre et où j’ai fait de très belles rencontres).
J’ai essayé de me forcer à être régulière sur les stories, mais c’est vite tombé à l’eau : je n’avais jamais mon téléphone sur moi, et puis pas d’inspiration, des journées banales sans rien d’exceptionnel à partager, du temps passé pour choisir un filtre, un texte, une musique pour quelque chose qui s’effacerait 24 heures plus tard… Bref, ma motivation à suivre les conseils classiques d’un marketing digital soit-disant « efficace » de documenter sa journée sur Insta s’est tarit…
Un peu par hasard, je suis tombée sur un autre livre de Cal Newport “So good they can’t ignore you”. Pas forcément attirée par le titre… Ou peut-être que si justement ! Avec l’envie de savoir ce qui se tramait derrière ce titre qui me paraissait provocateur et grandement ambitieux.
Et j’ai aimé.
J’ai apprécié ce côté terre-à-terre de l’auteur.
Même si cela a eu l’effet d’une mini-bombe. Même si j’ai souvent plus la tête dans la Lune que les pieds sur terre…
Je l’ai écouté pendant 1 mois sur le trajet du travail.
Moi, qui me rêvais prof de yoga à temps plein, passer mes journées pieds nus sur un tapis, organiser des retraites, des ateliers d’hypnose… et gagner ma vie de cela pour quitter un jour mon métier d’ingénieure… j’ai revu les histoires que je me racontais.
Tout d’abord, sur le côté réaliste de la chose. Et puis aussi, était-ce vraiment ce que j’avais envie ?
Quitter un travail qui me procurait la stabilité nécessaire pour assouvir mes passions à côté, sans stress, sans objectif de rentabilité ?
J’éprouvais une nouvelle reconnaissance envers mon travail de salariée, je me suis mise à le regarder différemment. A voir tout ce qu’il m’apportait dans mon développement intellectuel et social. Ce n’était plus le chemin vers une prison que j’empruntais tous les matins, mais, au contraire, une façon de goûter à la liberté. D’avoir ensuite la possibilité de m’exprimer dans mon temps libre de la façon qu’il me plaisait. Sans me soucier de plaire, de trouver des clients, de décrocher des contrats…
Alors, j’ai écouté avec avidité un bon nombre d’épisodes de son podcast “Deep Questions”.
Car, au-delà de mon travail et de mes projets, c’est aussi la recherche d’une vie profonde qui m’intéressait.
Je me suis rendue compte que je me noyais dans les détails. Que si je conservais une certaine discipline : celle de me lever tous les jours à 5 heures du matin pour poster, ce que je faisais commençait à sonner creux à mes oreilles, que je m’étais mise moi-même dans une sorte de roue d’hamster ou je dépensais beaucoup d’énergie sans aller nulle part.
C’est alors que les mots de Cal Newport et sa définition :
“Pour moi, la vie profonde, c’est se concentrer avec une intention énergique sur ce qui importe vraiment – au travail, à la maison et en son âme – et ne pas gaspiller trop d’attention sur les choses qui n’en ont pas.”
Alors, peu à peu, c’est dévoilé une façon de retourner à soi, de retrouver la saveur d’une certaine lenteur, à moins de “paraître” et plus d’ “être”.
Peu de livres de “développement personnel” ont eu cet effet sur moi, et surtout m’ont ainsi engagée à ce qui était exposé.
Alors voici ce que j’en ai retenu, à la manière d’une analogie avec le sport, pour devenir un athlète accompli de la “vie profonde” en quelque sorte :
1. L’hygiène de vie :
Réapprendre à s’ennuyer
Tout d’abord, pour vivre une vie profonde, il est nécessaire de savoir se concentrer.
Vous avez sûrement déjà goûté ces moments où vous étiez complètement absorbé par une activité que vous en oubliez le temps qui passe. Vous écriviez, peigniez, dessiniez, dansiez, réfléchissiez… avec une telle intensité, une telle présence… que le monde autour de vous n’avait plus d’importance. Comme lorsque, enfant, vous sursautiez lorsque maman appelait “à table” tout affairé dans votre monde imaginaire à vous raconter vos histoires.
Ces moments sont précieux et c’est là que nous goûtons à un sentiment de réalisation et d’accomplissement. Ce qu’on appelle “l’état de flow”.
Pourtant, que c’est difficile de rester concentrer sur quelque chose !
Comme souvent, ce sont souvent les premières minutes qui sont difficiles.
Cal Newport nous enjoint de voir la faculté de se concentrer comme un muscle à développer. De devenir un athlète de la “vie profonde” en quelque sorte.
Pour être un athlète accompli, il y a bien sûr s’adonner à un entraînement pointu et savamment dosé, mais cela ne servirait à rien si à côté de ses séances de musculations, ce sportif avait une hygiène de vie déplorable, faisait la fête à tout va, fumait et mangeait n’importe comment.
Cette fois-ci, l’analogie avec le sport nous amènerait à redonner une place à l’ennui.
L’ennui est devenu un ennemi à tuer dès qu’il pointe le bout de son nez . A peine avons-nous 30 secondes de vide devant nous – à la caisse du supermarché ou à un feu rouge sur la route, et nous sortons nos téléphones, ouvrons instagram et en clin d’oeil, nous voilà transportés dans des paysages somptueux, cadres idylliques de vie à des inconnues que nous nous prenions à envier, nous qui sommes coincés avec nos caddies ou sur la route pour aller à l’usine…
En apprenant à nous ennuyer, à ne pas céder à la tentation d’une distraction, nous replaçons le curseur de la concentration au juste milieu. Nous ne cherchons plus à éprouver ces rushs de dopamine avec tous ces “Likes” qui défilent. Nous nous déconditionnons de la distraction permanente.
Notre créativité ne peut s’épanouir pleinement, dans son originalité et son essence propre, si nous sommes en permanence bombardés de distractions de toute part. Jusque depuis le fond de notre poche où est – bien sagement ? – rangé notre smartphone.
Alors, embrassons l’ennui.
Retrouvons ce vieux copain de nos dimanches après-midi pluvieux d’enfance où nous nous geignons “Je m’ennuie…” pour nous retrouver quelques minutes plus tard à construire la plus formidable des cabanes dans un coin de notre chambre.
2. S’entraîner régulièrement :
Se mettre au travail
Après avoir mis en place une hygiène de vie favorable à une vie profonde, il est temps de sortir nos baskets et de passer à l’entraînement pour développer nos muscles spécifiques à notre concentration. Et cela passe par se mettre au travail avec intensité !
“L’inspiration est pour les amateurs — Pour le reste d’entre nous, nous nous présentons simplement et nous nous mettons au travail. »
Chuck Close
J’aime cette citation de Chuck Close car elle met les pieds dans le plat et les points sur les “i”.
Une autre façon de dire les choses que je trouve jolie vient de Chase Jarvis :
“faire le verbe pour être le nom”.
Pour être écrivain, il faut écrire ; pour être peintre, il faut peindre ; pour être un artiste, il faut pratiquer son art…. Tout comme pour être prof de yoga, de mathématiques, de dessin…, il faut enseigner ; pour être entrepreneur, il faut entreprendre…
Cela renvoie à quelque chose de concret, de simple et d’évident.
Tous ces grands noms d’artistes, d’entrepreneurs, de créateurs… semblent descendre de leurs pieds d’estale. Leurs noms gravés en lettres d’or se dissolvent et leurs visages bien apprêtés, prêt à faire la une des journaux ou à se faire peindre par le portraitiste à la mode, se voilent de cernes de fatigue et se perlent de sueur.
On les voit à la tâche, derrière leur bureau, à pratiquer : comme vous et moi pouvons le faire… en pyjama, une tasse de café à côté, aux petites heures du matin ou tard le soir… sans strass ni paillettes, mais auréolé d’une concentration intense.
Certains pensent qu’on atteint l’état de “flow” dont nous parlions plus haut lorsque l’on fait une activité avec un juste équilibre entre ses compétences et le défi devant soi.
Adam Grant, auteur et psychologue américain, remet en cause cet hypothèse avec cet exemple : le fait de conduire est un moment où l’on goûte souvent à cet état : il arrive qu’ après avoir roulé pendant un moment, on se retrouve à destination sans s’être rendu compte des routes traversées et sans souvenir du voyage. Pourtant conduire ne demande pas d’utiliser des compétences de pilote de formule 1 à chaque trajet.
En posant la question à des scientifiques travaillant dans la sûreté nucléaire et à des journalistes sur les moments dans lesquels ils trouvaient dans cet état de concentration intense, Adam Grant s’est plutôt amené à dire que cet état de flow vient lorsque l’on a bien en tête une vision claire de pourquoi nous faisons notre activité, ainsi qu’un retour régulier.
Ainsi, c’est aussi la contrainte qui crée la créativité. La contrainte, d’avoir son objectif en tête et celle de s’atteler à l’atteindre.
Derrière tout cela, il y a aussi cette notion de simplement se mettre au travail.
Même si c’est difficile, même si il y aurait mille et une choses plus agréables à faire, même si c’est lent, fastidieux, désagréable… On pense à son objectif, à l’identité vers laquelle on veut tendre, que ce soit être un sportif, un thésard en histoire, ou un médecin… et on fait ce qui nous rapproche de ce nom.
On attribue à William Faulkner :
“J’écris seulement quand l’inspiration frappe. Heureusement, elle frappe à la porte à 9 heures précises tous les matins.”
L’inspiration n’est pas une excentrique qui débarque à tout fracas pour hurler ses vers ou peindre à grands coups de pinceaux sur les murs de notre salon (ou peut-être pour une infime poignée ou alors quand il lui prend un coup de folie… de génie) , mais c’est plutôt une dame douce et polie, qui nous rend visite seulement lorsqu’elle est invitée pour un thé, à un bureau propre, qui aime la routine, qui ne se vante pas forcément de ses coups d’éclats…, mais mine de rien, quand nous avons discuté toutes les deux après une de ces visites habituelles, nous nous apercevons, que, à notre manière, comme de vieilles amies, nous avons réinventé le monde.
Et qu’il est beau !
3. Planifier ses entraînements en préférant le sprint au marathon
Se bloquer des créneaux spécifiques
Concrètement, pour se créer les fondations de cette vie profonde, Cal Newport invite à planifier les choses en créneaux de travail clairement découpés.
Planifier les choses évite de se faire balancer à droite et à gauche par des contraintes que les autres nous apportent.
C’est aussi une façon d’éviter la procrastination : quand quelque chose est écrit dans notre agenda associé à un horaire précis, il y a plus de chance que nous l’accomplissions plutôt que si elle est au milieu d’une to-do list que nous complètons à n’en plus finir… et dont nous avons déjà 3 ou 4 exemplaires différents.
Ainsi, il distingue 3 vues temporelles différentes :
- trimestrielle
- hebdomadaire
- quotidienne
Pour organiser sa journée, on commence par un rétro-planning, avec la vue trimestrielle.
Tous les 3 mois, prenez un moment pour vous demander ce que vous souhaiteriez accomplir d’ici ce trimestre écoulé.
Puis les dimanches soirs, les vendredi en fin d’après-midi, ou tout autre créneau qui vous convient, détaillez votre semaine à grosse mailles : notez les jours où vous avez des rendez-vous médicaux, des séances de sport, du temps libre, les jours de télé-travail, ceux en entreprise, les courses à faire…
Enfin, chaque jour, planifiez chaque minute de votre journée de travail. Cela peut ressembler à cela :
Prévoyez aussi des séances de concentration intense – de “deep work”. Des sessions durant lesquelles vous utiliserez toutes vos capacités cognitives pour progresser sur un sujet. Au départ, ces sessions seront plutôt courtes. Une dizaine de minutes. Pour augmenter progressivement jusqu’à atteindre un objectif de 50 minutes, idéalement.
Dans les débuts, il peut être intéressant de faire le bilan à la fin de la journée des moments que vous avez passé dans cet état. Histoire d’évaluer où vous en êtes.
De mon côté, en prépa, je pouvais passer de longues heures à étudier maths et physique… mais mes habitudes de concentration se sont effilochées… actuellement, cela est devenu plus hasardeux de rester sur une même tâche pendant plus de 20 minutes… Les tentations d’ouvrir un autre onglet internet, de consulter mes mails, de regarder la météo, les infos… sont difficiles à résiter. Mais c’est cette aptitude de concentration intense que je souhaite retrouver. Et mine de rien, ma faculté de rester concentrée sur une tâche unique progresse jour après jour. Minute par minute.
Aussi, ne planifiez pas tout : les soirées et les week-ends sont des moments qu’ils seraient sans doute trop pesant à structurer ainsi.
Cependant, détente et relaxation ne riment pas forcément avec sieste sur un hamac, un cocktail à la main, à ne rien faire.
Notre cerveau n’a pas tant besoin de se reposer qu’il a besoin de nouveautés.
Parfois, en rentrant de notre travail de salarié, nous avons l’impression de n’avoir plus aucune énergie pour nourrir nos autres passions : pour passer des heures à faire du crochet, à écrire, à aller à notre cours de danse…
Alors, nous regardons la télé ou surfons sur le web…croyant nous relaxer ainsi.
Et au final, cette fatigue ne s’en va, au contraire, nous sommes souvent encore plus embrumés et épuisés, qu’à notre sortie du travail.
Au contraire, peut-être qu’il serait alors bon d’œuvrer sur votre activité complémentaire que vous essayez de développer.
Comme un sentiment d’accomplissement vous envahit
D’ailleurs, même dans notre sommeil, le cerveau reste très actif.
Ce qui est malgré tout important, c’est de s’accorder des périodes sans stress. Sans dead-line à respecter, sans consignes trop strictes…
C’est plutôt la sensation d’avoir toujours des délais à respecter et d’être bombardé d’informations à traiter dans un temps imparti trop court qui mène au burn-out.
La philosophie sous-jacente est de privilégier des périodes courtes et intenses de “travail profond”, comme des sprints, plutôt de s’épuiser dans un long marathon, où les heures s’accumulent et le travail n’avance pas, faute de concentration.
Une sorte de HIIT (High Intensity Interval training) pour notre cerveau pour résumer !
4. Diversifier ses compétences
Les domaines importants de votre vie
Pour être un athlète accompli – ou avoir une vie profonde et satisfaisante, ne négligeons pas certaines compétences – ou certains domaines de notre vie.
Un joueur de foot va développer son endurance, travailler sa souplesse, sa musculature, toutes ses capacités physiques… mais aussi psychologiques : savoir jouer en équipe, tenir la pression devant des milliers de spectateurs…
Le but derrière une vie profonde n’est pas de devenir obsédé par son travail, au point d’oublier sa famille et ses amis, mais plutôt d’apprendre à traiter avec qualité chaque aspect de son quotidien.
Il ne sert à rien d’avoir une carrière éblouissante si sa vie de famille est catastrophique où que ses enfants déplorent un parent trop souvent absent, tout comme il est triste d’être parfaitement heureux au sein de son foyer pour passer les journées de sa semaine, misérable derrière son ordinateur, dans un travail où nous éprouvons aucune satisfaction.
Mais le travail et la vie familiale ne sont pas les seuls domaines. Voici ceux identifiés par Cal Newport :
- la communauté (famille, amis, etc.),
- le métier (travail et loisirs de qualité)
- la constitution (santé)
- la contemplation (les affaires de l’âme).
Ainsi veillez à accorder une importance à chacun de ces grands domaines. Vous pouvez aussi avoir des domaines complètement différents suivant vos valeurs et vos envies.
Une idée aussi qu’il peut être intéressant, c’est d’accorder pendant 3 mois une importance particulière à un de ces domaines. Puis, tous les 3 mois, changer de domaines : ajouter des habitudes nouvelles à prendre, des compétences à acquérir,…
Ainsi, peu à peu, vous vous rendrez compte de la fabuleuse progression que vous avez faite, tout en continuant de mener une vie la plus équilibrée possible.
Certaines périodes sont aussi propices à une progression plus rapide dans un de ces domaines.
D’autres non… Parce que les enfants sont petits, parce que nous traversons une période relationnelle compliquée, parce notre santé est souffrante en ce moment…
Charlie Gilkey estime que, tous les 3 à 5 ans, notre vie change profondément : les enfants sont dans une autre phase de leur vie, notre métier prend un nouveau tournant, nous avons évolué intérieurement….
Chaque chose en son temps et à chaque temps sa chose !
5. Tenir un tableau de ses progrès
Comme tout athlète, pour progresser, il est important d’évaluer sa progression.
Ainsi Cal Newport propose de tenir différents métriques de ce qu’il est important pour nous d’accomplir.
A la fin de la journée, Cal Newport propose de noter dans son journal différents métriques qui permettent d’évaluer où nous en sommes.
Cela aide à se donner une idée de la progression vers ce que nous souhaitons accomplir et de la direction à prendre. Mais aussi, on est souvent bien plus motivés à accomplir une tâche lorsque l’on sait que l’on devra se noter par rapport à celle-ci.
Ces métriques ont un lien avec les grands domaines évalués.
Cela peut être par exemple :
- le nombre de fois où j’ai encouragé mes enfants pour la communauté
- le temps passé à effectuer du travail profond pour le métier
- nombre de pas pour le domaine de la constitution
- lire 2 chapitres par jour pour la contemplation
Trouver ses propres métriques à suivre est quelque chose de délicat qui peut demander du temps à ajuster : ce sont des choses à la fois suffisamment à votre portée pour que vous les réalisiez régulièrement et à la fois, pas si simples et évidentes que vous les faites chaque jour complètement en mode automatique.
6. Se concentrer sur ce qui est vraiment important
Une vie en profondeur, c’est simplement se consacrer sur ce qui est vraiment important.
Pas forcément pour être un bourreau de travail ou un Stakhanoviste de la productivité, mais plutôt pour s’accorder le temps de creuser un sujet en profondeur, étudier les choses en détails, prendre le temps de mieux les appréhender presque… de les contempler.
Cela implique d’être complètement absorbé dans son travail.
Sans passer du coq à l’âne.
Lorsque nous changeons d’une activité à une autre, il y a un résidu d’attention persistant de la première activité qui fait que nous ne sommes pas encore complètement dans la seconde, et qui rend d’autant plus difficile et peu efficace le retour à la première.
Pourtant, nous sommes bien nombreux à commencer de traiter un dossier, puis on reçoit un mail qui attend une réponse de notre part, mais nous n’avons pas le temps d’y répondre maintenant alors nous travaillons à nouveau sur notre dossier, le cerveau en train de rédiger mentalement la réponse à cet email, et puis un collègue nous envoie un message instantané dans Teams, on lui répond rapidement,… pour ensuite s’accorder une petite “pause” en vérifiant rapidement son compte Insta et… finir par reléguer ce dossier aux oubliettes de son cerveau.
Car, bien sûr, il y a l’épineuse question des réseaux sociaux. Ceci sont de grands consommateurs de notre attention. Ils sont savamment conçus pour que nous nous retrouvions complètement happés dans le feed qu’ils nous proposent, impossible de s’en libérer comme une mouche sur la toile. Nous étions venus chercher des informations précises sur la meilleure façon de réussir ses semis et nous nous retrouvons des heures plus tard à regarder des vidéos de chats faisant des pirouettes.
Pour cela, il y a la solution de s’en détacher au maximum. S’y rendre pendant un temps précis, seulement sur l’ordinateur, comme si on regardait un film programmé à un horaire précis à la télé.
La solution radicale serait de les quitter complètement. Une idée qui peut faire peur.
Mais parfaitement envisageable au final, si on fait le rapport bénéfice/risque de passer des heures au carré sur Twitter, Insta, Facebook et autres consorts.
Ce qui fait peur, c’est souvent ce qu’en anglais, on abrège par le FOMO : Fear Of Missing Out, la peur de rater quelque chose.
Alors, certes, il s’en passe des choses là-bas, mais est-ce vraiment ce que vous avez envie de voir ? Ne serait-ce pas plutôt des suggestions savamment mises en page pour vous voler votre temps et votre attention ?
Cela fait à peu près un mois que j’ai quitté Facebook (où je passais beaucoup beaucoup de temps), cela m’a rendu du temps le matin, pour écrire plus en profondeur. Je me sens moins tentée de me comparer aux autres, de courir vers ce qui me semble le plus brillant, le plus rapide, de zapper rapidement d’une idée à l’autre… Je prends le temps de faire les choses à la fois plus en profondeur et avec plus de légèreté, sans la pression étouffante de la comparaison.
7. Instaurer des rituels
Que ce soit pour se mettre au travail ou pour conclure une journée de labeur, les rituels ont toute leur importance.
Pour commencer :
Se trouver un rituel pour commencer le travail donnera le signal à votre cerveau de changer de mode et de s’apprêter à se concentrer et faire fonctionner ses neurones.
Cela peut être simplement en se faisant un café, en allant à son bureau, en ouvrant l’agenda de sa journée….
L’endroit où vous réalisez votre travail est aussi primordial : un lieu propre, bien éclairé, zen… qui donne envie de ranger ses pensées et de se plonger dans son labeur.
Si cela est compliqué de trouver cet endroit idéal, ou bien si vous rêvez de vous installer au coin du feu dans une bibliothèque ancienne, ouvrir dans un coin de son ordinateur une vidéo d’AMSR (Autonomous sensory meridian response) vous transportera en un clic de souris dans la salle d’étude de Griffondor d’Harry Potter:
https://www.youtube.com/watch?v=Cg9-J6vVZd4
ou bien dans la Bibliothèque Royale, un soir pluvieux dans une ambiance studieuse :
https://www.youtube.com/watch?v=CHFif_y2TyM
Pour finir sa journée de travail :
Comme tout athlète, celui qui recherche une vie profonde doit se reposer.
Là encore, un rituel de fermeture de sa journée vous donnera un sentiment d’accomplissement et de complétude.
Donnez-vous un horaire à partir duquel vous ne faites plus de travail professionnel et tenez vous-y.
Avant de finir la journée, prenez quelques minutes pour vérifier que vous avez traité ce qui était important de faire. Si ce n’est pas le cas, planifiez cela pour le lendemain.
Cla Newport prononce les mots :
“contrôle d’arrêt complet”
après avoir effectué une sorte de check-list de fin de journée.
Il vérifie qu’il ne reste rien d’urgent à traiter et organise ses tâches pour la journée de travail à venir en vérifiant que rien ne soit oublié ou sous contrôle.
Notre cerveau a besoin de se recharger et avant cela, il doit avoir confiance dans le fait qu’il n’y aura pas de travail supplémentaire à traiter d’ici le début de la journée prochaine.
Constamment ressasser ses pensées ne mène rien, si ce n’est à l’épuisement avant même de commencer la journée.
8. Avoir un système d’entraînement robuste
Capturer / Configurer / Contrôler
Un des moyens pour cloturer sa journée de manière sereine est de mettre en place un système pour s’assurer que tout est sous contrôle. Ce système décrit par Cal Newport et inspiré de David Allen est Capturer / Configurer / Contrôler :
- Capturer
Dans cette phase, il s’agit de noter toutes les idées et les taches que vous avez à faire hors de votre cerveau.
Cela ressemble au “Brain Dump” de David Allen.
Toutes ces petites choses dont on essaye en vain de se souvenir, qu’on garde dans un coin de la tête pour faire plus tard, ces brillantes idées de la douche matinale qui s’évaporent un peu plus tard dans la matinée… tout cela exerce une charge mentale qui pèse lourdement sur nos esprits en créant du stress et demandant une énergie incroyable à notre cerveau pour se souvenir et analyser cela.
Alors, déchargeons nos cerveaux et notons tout ce qui s’y trouve. Faisons de l’espace pour qu’il puisse se concentrer à faire ce qu’il adore faire : trouver de nouvelles idées et exprimer sa créativité.
Notons tout ce qui nous encombre et qui demande une action de notre part : payer une facture, développer son site web, prendre rendez-vous chez le docteur…. Cela peut être dans un carnet ou dans un fichier texte tout simple de votre ordinateur.
Ainsi, notre esprit est déchargé et vous avez à disposition une façon de voir les taches que vous souhaitez accomplir.
- Configurer
Ainsi toutes ces petites choses et obligations capturées, vous devriez vous sentir plus léger.
Maintenant, il est temps de les organiser, de les classer, de les prioriser.
Cela peut être fait en les indexant dans son journal, en utilisant des logiciels de gestion de tâche comme Trello (celui que Cal Newport utilise)
- Contrôler
Cette partie consiste à planifier les tâches identifiées dans son agenda. En reprenant le principe de se créer des créneaux de temps de concentration intense. L’objectif de tout cela est de décider à l’avance de comment vous allez occuper votre journée en la découpant en créneaux au lieu de se laisser submergé par des vagues d’emails à traiter et d’obligations diverses et non choisies de façon chaotique.
En choisissant de planifier ses journées de cette façon plutôt que de piocher ses occupations dans une to-do liste sans fin permet d’éviter de se poser la question “qu’est ce que je dois faire ensuite ?”
Cela aide aussi à ne pas se laisser dépasser et à arrêter lorsque le temps imparti est écoulé. Il est alors l’heure d’arrêter et de se reposer.
Par contre, si c’est le moment d’attaquer une tâche ardue, plus d’excuse pour la repousser ou la reléguer tout en bas d’une liste : on s’y attèle pendant le créneau choisi.
9. La marche méditative
Une autre astuce de Cal Newport est de pratiquer la marche méditative.
Le principe est de trouver un problème sur lequel vous butez, de mettre vos chaussures et de partir vous promener.
Pendant que vous marchez, essayez de trouver la solution à votre problème.
Pareillement à la méditation, si vous observez que votre esprit dérive et que vous rêvassez, astreignez-vous à revenir à ce problème.
Lorsque vous avez fini votre promenade, écrivez les conclusions qui vous sont parvenues sur un morceau de papier.
Ces problèmes sont supposés être facilement appréhendables : ne vous mettez pas en tête d’écrire tout votre livre en une balade ou bien d’élaborer l’entièreté de votre business-plan, mais plutôt l’ouverture d’un chapitre, le lancement d’un de vos nouveaux services.
Commencez par une dizaine de minutes, puis augmentez ensuite progressivement.
C’est quelque chose de terriblement efficace. A la fois pour apprendre à se concentrer, et puis aussi pour avancer sur quelque chose sur lequel on bute. Au propre comme au figuré.
Les grands penseurs sont bien souvent de grands marcheurs : on pouvait souvent croiser Socrate déambuler dans les rues d’Athène, Aristote et ses disciples se nommaient les péripatéticiens (d’un mot grec qui signifie lieu de promenade) parce qu’ils philosophaient en se promenant, Kant se promenait dans les jardins de Königsberg, Rousseau entreprit de longues marches à pied, d’Annecy à Turin et de Paris à Chambéry.
La marche méditative est un excellent entraînement mental (et physique !) à la concentration.
Avec un livre à conseiller si vous aimez la marche : “Petite philosophie du marcheur » de Christophe Lamoure.
10. Alléger ses contraintes
Savoir préserver ses forces
Enfin, une vie profonde est une vie légère.
Une vie dans laquelle on apprend à dire “non” ; à ne pas se laisser tenter par toutes les tentations ; à ne pas entreprendre tous les projets qui nous sembleraient être une belle opportunité qui ne reviendrait pas – du moins dans l’immédiat ; à ne pas se dire : “J’y vais, peu importe le bénéfice” ; à ne pas vouloir décharger les autres de leurs responsabilités sous prétexte de les aider, à ne pas se sentir obligé de répondre constamment ou par le positif aux sollicitations extérieures…
En résumé, le mot d’ordre serait : “Être paresseux par rapport à ses occupations”.
Prendre le temps de laisser décanter les choses et qu’une idée tourne à l’obsession avant de l’exécuter.
Ne pas se lancer tout de suite dans l’écriture du roman de sa vie si cet appel n’est pas là, à nous hurler d’écrire ces mots depuis déjà un bon bout de temps, nous rendant quasi-sourd à toute autre chose.
C’est une façon de faire le tri dans ses idées : celles qui sont bonnes , les autres éclateront comme des bulles dans l’air. Et c’est très bien ainsi !
Cal Newport parle aussi de l’importance de la solitude, qu’il appelle “la vitamine S”. Passer quelques minutes chaque jour, seul avec ses pensées, sans stimuli extérieurs est crucial. Cela permet d’apprendre à se connaître, à laisser émerger des idées originale, à développer notre créativité.
Sa prescription pour cette vitamine S :
- quelques dizaines de minutes par jour
- 1 fois par semaine, le temps d’une balade, environ 1 heure de temps rien qu’avec soi…
Conclusion
Le livre “Deep Work” et sa philosophie sous-jacente ont changé ma façon de m’organiser au niveau professionnel, mais cela a aussi bougé les lignes dans ma vie personnelle.
D’abord, en quittant les réseaux sociaux. C’est vraiment de là qu’est parti cette décision et les arguments avancés dans le livre en leur défaveur ont fait sens pour moi : le jeu ne vaut pas la chandelle.
Et puis aussi dans ma façon de voir les choses. J’ai souvent tendance à faire plusieurs choses à la fois : j’avais toujours plusieurs onglets d’ouvert sur mes 2 écrans d’ordinateur et j’alternais d’un projet à l’autre dès que quelque chose me lassait, je lisais en me brossant les dents, je regardais des vidéos YouTube en m’habillant… J’apprends à me dire que nous ne sommes pas faits pour être multitâches et que je n’ai pas besoin d’être constamment occupée.
La vie profonde, c’est aller loin dans une direction précise. Sans changer de cap à tout bout de champ. Et, en ce moment, cette perspective me plait. Regarder devant soi, observer l’horizon et avancer sur le chemin. En appréciant son étroitesse, concentrée sur ses pas et sur la beauté du voyage.