La Vie est Longue… et le Temps tourne !

J’en avais parlé dans une newsletter, dans un podcast de Tim Ferriss où l’invité était Steven Pressfield, j’ai entendu cette phrase “La Vie est longue”, qui s’est délicieusement étirée dans mes pensées .

En effet, pour conclure l’épisode du podcast, Tim a demandé : « Si vous aviez la possibilité de noter quelque chose sur un grand tableau d’affichage, que tout le monde pourrait voir, cela serait quoi ? »

Steven Pressfield a répondu :

“La vie est longue.”

Pressfield a été publié pour la première fois à 53 ans avec son livre « La Légende de Bagger Vance », après plus de 30 ans à écrire sur un coin de table des romans qui n’ont jamais vu le jour, subvenant à ses besoins en étant tour à tour chauffeur de taxi, conducteur de poids lourds…

L’auteur, maintenant reconnu, de « La Guerre de l’Art » étaye sa réponse :

“On vous dit toujours que la vie est courte mais en fait la vie est longue. Et si nous nous retrouvons à faire des erreurs ou si nous n’avons pas encore trouvé notre vocation, ne vous rendez pas fou avec ça. On a tout le temps. Tout le monde pense : « Si je ne le fais pas dans les six prochains mois, je vais me tuer ». Et j’ai toujours pensé ça aussi. Mais regardez-moi. Il m’a fallu une éternité pour percer dans quoi que ce soit et j’ai toujours l’impression d’avoir une autre vie entière devant moi… Alors soyez patient avec vous-même. Soyez gentil avec vous-même. Vous êtes en voyage, que vous le réalisiez ou non. Nous le sommes tous. Il n’y a aucun moyen de ne pas l’être. Et les choses se révéleront d’elles-mêmes au fur et à mesure. »

Ce n’est pas forcément ce qu’on a l’habitude d’entendre… C’est même souvent plutôt l’inverse : “La vie est courte !”.

Alors on nous enjoint de profiter, de ne pas perdre de temps, avec des impressions d’avoir gâché sa vie si à tel âge nous n’avons pas réalisé telle ou telle chose… Comme des passages relais chronométrés sur une course folle en ligne droite.

La vie défile dans le passage des jours, des mois, des années… 

Des pages de calendriers qui se tournent révélant montagnes enneigées puis plages ensoleillées…

Cette phrase “La vie est longue” m’a suivie, comme un parfum de liberté, comme un air de chanson d’été. 

Offrant une autre perspective d’envisager le temps et la vie qui passe.

L’été, le Lapin Blanc et Celle qui Voit Loin

L’été se dessine et avec lui… une envie de ralentir… de prendre le temps, de contempler l’herbe pousser,… de goûter à une impression d’éternité. 

Dans le rituel de la Lune du Lièvre, une des méditations consistait à suivre le Lapin Blanc… celui qui sort sa montre à gousset de sa redingote en s’écriant : “Vite, vite, je suis en retard !!”  

Et puis, cette année, je découvre les enseignements des Treize Mère Originelles auprès de D’Elfe. Le conte de la 4ème Mère de Clan, Celle qui Voit Loin, comporte avait aussi cet aspect de temps : celui propre à soi pour appréhender la Vérité, celui nécessaire pour panser ses plaies, les laisser cicatriser, celui qu’il faut laisser écouler, immobile, pour pouvoir ensuite voyager vers l’infini. 

De curieuses coïncidences qui m’ont amenée à m’interroger sur ma relation au temps.  

Avec l’envie toujours sous-jacente de remettre de la simplicité dans ma vie. 

Respirer, être ici et maintenant. 

Se dire que tout va à point à qui sait attendre.

Que ça va aller, que j’accomplirai ce que je souhaite, que j’irai où j’ai envie.

Peut-être pas ce jour. Mais un jour.

Prendre le temps

 

C’est cette envie de m’autoriser justement à ce que certains (ou même moi-même) qualifieraient de “perdre son temps” qui m’anime. 

D’explorer des directions, même si on ne sait pas où elles vont nous mener, si elles ne seront pas forcément “rentables”.

De profiter sans culpabiliser de passer des heures à lire, à peindre, à cuisiner, à regarder la télé, à surfer sur internet, à écrire, à apprendre des compétences dont on ne sait pas trop si elles vont nous servir un jour,… ou bien juste s’asseoir là.

Tranquillement.

En somme d’arrêter cette course contre le temps, à vouloir toujours être “plus”, faire “plus”.

 

Mais, que c’est difficile !

Il y a toutes les injonctions de la société à cocher les cases d’une vie dans les normes en temps et en heure : être diplômé à la vingtaine, trouver du travail tout de suite à la sortie de l’école, rencontrer son partenaire pour une relation stable pas trop longtemps après, avoir des enfants et veiller à ne pas dépasser l’âge limite… 

Alors, on fait les choses dans l’ordre… avec de grandes bouffées d’angoisse si on sort de la piste de course.

Peu importe leur âge, nous connaissons tous des personnes qui se sentent trop vieux pour se lancer dans quoi que ce soit : trop vieux pour apprendre à danser, plus l’âge pour faire le pitre, passée l’heure pour se lancer dans une nouvelle carrière… Il est trop tard, le chronomètre l’a dit, il ne sert plus rien d’entreprendre quoi que ce soit…

A se répéter qu’il est trop tard, s’en suit un goût d’à quoi bon, de mise à l’écart, comme un sportif ayant raccroché le maillot un peu trop tôt… une mort lente, la perte des saveurs de l’existence.

Dans ce stade où les athlètes-rois sont les sprinteurs, pas le temps de s’arrêter, de prendre le temps, de se questionner, de ralentir. 

Tout va à 100 à l’heure, de nouveaux records de vitesse sont cesse battus.

A peine a-t-il eu le temps de réussir à comprendre un concept que l’expert de hier est dépassé. De nouvelles théories, de nouvelles technologies…

Et puis, il y a aussi ce concept de “faire quelque chose de sa vie”.

Les corps musclés des sprinteurs, jeunes et beaux, eux, font rêver. Ils représentent l’accomplissement de soi, la réalisation d’une carrière dans sa passion. 

On nous narre de belles histoires qui font rêver : des employées de bureau qui troquent attaché-case contre valises de voyage, des étudiants qui montent des startups dans leurs garages, des self-made men ou women qui bâtissent un empire avec passion et courage, des livres qui deviennent des best-sellers en une nuit, …  des succès fulgurants…  

Alors, on se dit que, pour nous, ça ne va pas assez vite : notre vie nous semble médiocre, banale, … lente. 

Il nous vient l’envie d’envoyer tout balader, de vivre à toute allure, de courir peu importe la direction pourvu que l’ivresse d’avancer soit là, que les paysages défilent, que ça bouge… : la vie est courte !

Si cela fait rêver sur le papier et en photo, c’est aussi prendre le risque de se brûler les ailes et de se faire entraîner dans un tourbillon. Bien malgré nous.

J’ai été (et je suis d’ailleurs encore parfois) dans cet état. Ces “Maintenant, maintenant !” en écho dans les oreilles. Qui m’ont souvent assourdies aux plaisirs simples du quotidien qui s’égrène lentement. 

On nous dresse des listes des choses qu’il faut avoir faites avant 30 ans, des pays à visiter, des expériences à faire… 

Comme des trophées utopiques à afficher dans sa galerie Instagram, à peine vécus, à peine oubliés.

A devoir sauter d’un avion à l’autre pour aller voir la statue de la liberté et celles de l’île de Pâques en , nager avec les dauphins au Bahamas et prendre un cours de tango à Buenos Aires 

Dans une urgence de vivre. D’accomplir sans saveur.

A 25 ans, célibataire, dans un petit studio et avec un travail qui ne me passionnait pas plus que ça, j’avais l’impression que tout était derrière moi… Des choix d’études, de carrière… qui me fermait certaines portes. Que tout était trop tard : pour devenir prof de yoga, écrivain, faire le tour du monde en solo, reprendre des études, pour refaire de la danse classique, pour rencontrer quelqu’un…

Aujourd’hui, je me rends compte que j’avais tort. 

Parce que, justement, les choses importantes demandent du temps. 

Qu’il faut qu’elles maturent, à un rythme que nous ne pouvons prédire, sans catalyseur.

Que chacun suit son propre chemin, avec ses propres balises, son propre tempo

Que dépasser la vingtaine, la trentaine, la quarantaine, la soixantaine… la centaine… n’est pas pour autant une sentence de fin de quoi que ce soit.

 

 

La liberté d’avancer à mon rythme, avec la curiosité de m’attarder en chemin, a pris le pas sur les cases à cocher.

En osant laisser tomber certaines choses momentanément.

En choisissant de penser plutôt qu’agir, d’écouter plutôt que de parler.

En téléphonant à mes parents un peu plus souvent et plus longtemps plutôt que de regarder la télé.

En regardant la télé avec mes enfants, plutôt que d’écrire sur l’ordinateur. 

En me levant à 5 heures du matin pour écrire plutôt que dormir.

En disant “non” à certaines opportunités ou invitations pour me reposer.

En faisant mes choix en conscience, personnels et ceux du moments, pour accorder à chaque temps sa valeur.

Deux relations au temps

 

Cela m’a aussi amenée à revenir à ces deux termes pour le temps en grec :

  • Chiros
  • Kairos

Chiros est le temps mesuré en secondes, minutes, jours et années. C’est le temps chronologique. C’est la quantité de temps.

Kairos est le temps mesuré en moments de la vie. Ces moments magiques, merveilleux.. qu’il ne fait pas vraiment sens d’être compté en minutes.

Chiros est une rivière qui nous emporte avec son lot de stress et de contraintes.

Kairos est un lac, splendide dans sa beauté et son calme, celui dans lequel nous nageons avec grâce où nous souhaitons aller.

Pensez à la différence entre les 5 minutes passées à attendre dans la file d’un magasin et les 5 minutes où vous avez tenu votre enfant pour la première fois dans vos bras.

Dans son livre « Do Less », Kate Northrup invite à se répéter le mantra  :

« Je suis la source du temps. »

Elle suggérait de transformer ces instants de tensions où tout doit aller vite, où l’on se sent pressé.. parce que l’on a un train à prendre, un rendez-vous à honorer.. en moments on où a tout notre temps.

De façon contre-intuitive.

Pour changer la rivière en lac et prendre son temps. 

Pour prendre du recul : car que l’on pense ne pas avoir assez de temps ou non, nous avons raison. Autant faire les choses avec sérénité et conscience dans l’instant. Sans projection d’un quelconque manque de temps.

Au final, seule notre perception du temps est importante.

Et pourtant…

 

Lorsque ma fille est née, j’ai été balayée par cette vague d’amour qui me dépassait, bien plus grand que moi. Un sentiment délicieux… 

Quand les premières semaines de notre rencontre sont passées, une autre émotion est venue se découvrir, en filigrane de mes journées et qui me suit depuis, avec des degrés d’intensité variables.

Celle d’une conscience plus accrue de ma propre finalité et avec cela… la peur de la mort.

Jusqu’alors, ce n’est pas que je me sentais invincible, c’est juste que mourir était une éventualité plutôt lointaine et pas forcément effrayante. 

J’allais courir tous les matins, à 5h, le long du canal à Toulouse, avec juste les clés de mon appartement et un baladeur dans la poche, sans penser que quoi que ce soit puisse m’arriver. Aujourd’hui, parfois, rien qu’ aller fermer la porte du poulailler à l’autre bout du jardin dans la nuit noire, me donne des frissons. 

Pourtant, si je n’ai pas vécu de beaucoup de décès proche dans ma famille (j’ai perdu ma grand-mère maternelle qui vivait avec nous à la maison à l’âge de 10 ans), la mort n’était pas un sujet tabou dans la famille : mes parents animent des cérémonies d’enterrements à l’église et je me souviens de leur phrase en recevant le journal et en allant directement aux avis d’obsèques : “Piv es marv ?” (“Qui est mort ?” en breton)

Mais à cette période, la mort qui rôde est devenue plus effrayante, plus tangible, plus tragique, plus lourde de conséquences… 

Avec le devoir d’être là pour mes bébés. Au point que j’angoissais quand je prenais seule la voiture, que l’été dernier, mon mari n’est pas venue en Bretagne avec moi car nous ne souhaitions pas prendre l’autoroute tous les deux, par peur d’un accident ensemble, sans les enfants.

Peu à peu, cette angoisse devient moins présente. 

Elle revient plus vive, au moment où je sens que j’ai envie d’accomplir quelque chose qui me tient à cœur : comme publier mes livres par exemple. Par peur d’être coupée net dans quelque chose qui compte pour moi, de ne pas finir les choses à temps…

Alors un curieux sentiment d’urgence arrive, cette peur de mourir avant que mes enfants soient en sécurité, avant de connaître mes petits-enfants, avant que les livres que j’avais en moi ne soient publiés… que ceci se réalise, que cela s’accomplisse…

Avant d’avoir vécu ce que j’avais envie de vivre.

Mais la peur est alors, non pas paralysante, mais au contraire, elle m’invite à me concentrer sur l’essentiel, sur ce qui est important pour moi.

Quand tout cela est passé, je m’efforce de lâcher-prise. 

La vie est fragile et c’est aussi ce qui en fait la beauté.

C’est de savoir qu’on va mourir, qu’on aime plus intensément, qu’on savoure le présent, qu’on vit plus intensément. Que l’on sprinte ou que l’on flâne.

Les attachements

 

D’ailleurs, j’ai lu ces mots dans le roman de Tana French (mon polar du moment) et j’ai trouvé cela particulièrement en résonance avec mes réflexions du moment. Voici les mots prononcés par un des jeunes personnages du moment alors qu’il explique la relation particulière qui le lie à la vieille et noble maison irlandaise qu’il a héritée de son oncle, à son amie : 

« Peut-être que tu es plus courageuse que moi. […]

Ou peut-être que tu n’as pas encore décidé ce que tu attends de la vie. Tu n’as pas trouvé quelque chose à quoi tu veux vraiment t’accrocher. Ça change tout, tu sais. Les étudiants et les très jeunes gens savent être locataires sans sacrifier leur liberté intellectuelle, parce que ça ne les soumet à aucune menace : ils n’ont, pour le moment, encore rien à perdre.

As-tu remarqué comme les très jeunes meurent facilement ? Ils font les plus beaux martyrs, peu importe la cause, les meilleurs soldats, les meilleurs suicides. C’est parce qu’ils sont retenus de façon si légère : ils n’ont pas encore accumulé d’amours  et de responsabilités et d’engagements et de toutes les choses qui nous lient solidement à ce monde. Ils peuvent laisser s’envoler aussi facilement et simplement que lever un doigt. Mais plus tu vieillis, plus tu commences à trouver des choses qui vaillent la peine de s’y attacher, pour toujours. Tout d’un coup, tu te mets à jouer pour garder, comme disent les enfants, et ça change l’essence même de qui tu es ».

Ce sont ces attachements qui nous font courir sur des couloirs bien déterminés. 

Dans le livre de Dave Asprey « Game Changers », l’auteur décrit deux types d’attachements :

  • le premier est rigide : comme un rayon en acier qui vous lie à l’objet ou le but espéré
  • le deuxième est gravitationnel : comme la Lune et la Terre, où chacune tourne sur sa propre ellipse, à son rythme, avec l’immense espace entre elle deux, mais pourtant reliée par une force incroyable

Le premier attachement tend à vouloir contrôler tout, il génère du stress.

Le second est plus fluide, il laisse de la liberté, il fait place à la confiance et à la certitude de la liaison et de sa trajectoire, quitte à s’en éloigner quelque temps ou à s’éclipser.

Le temps tourne !

La clé sur cette réflexion et comment j’allais conclure cette réflexion, c’est en parlant avec une amie, femme d’hiver comme elle se présente parfois,  qui incarne la joie de vivre et la soif d’apprendre. 

En revenant aux cycles.

En envisageant le temps non pas comme une ligne droite, de janvier à décembre, d’une année à l’autre, où nous avancerions, le pied sur l’accélérateur, mais comme une spirale. 

En se disant que de nouvelles lunes vont succéder aux pleines lunes, qu’après la semblante dormance hivernale, le printemps finit toujours par revenir.

Dans ces cycles, il n’y a pas de destination, pas de ligne d’arrivée à franchir. Ce sont des chemins à apprécier, des valses à danser. 

Chaque personne est son propre sablier. Avec ses envies personnelles, ses attachements choisis, ses rêves les plus fous et les tâches du quotidien.

Aller explorer aux confins de l’Univers, sans avoir peur de s’égarer.

Comme une orbite autour de laquelle on tourne.

Parce qu’il y a quelque chose de précieux, là, en nous, où est condensé ce que nous sommes vraiment. Comme une jolie boîte à trésors où seraient renfermées nos passions, nos amours, nos valeurs, nos souvenirs tendres…

Qui fait que l’on ne se perd pas, même si on s’éloigne.

En faisant confiance au pouvoir du cercle, de l’ellipse, de la spirale..

Si, on ose, s’affranchir des lignes droites, des dates qui sanctionnent, des croix sur les cases…

Et que, dans son cœur et dans son âme, on entre dans la ronde. On entre dans le cercle. 

Même si c’est plus lent, comme un escargot avec sa coquille en spirale sur le dos.

Se détendre et laisser la vie se dérouler.

… en écoutant tranquillement une chanson de Pink Floyd… intemporel !

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