Voici la Lune des Foins qui se termine. Je n’ai pas beaucoup écrit ces derniers jours. Pas beaucoup parlé non plus. Mon dernier épisode de podcast commence à dater un peu…

Ma Lune des Foins, de vert pâle à jaune paille

Cette lunaison fut une période qui m’a bousculée, secouée, parfois dérangée, souvent questionnée.

C’est pourtant d’habitude un cycle lunaire que j’aime bien – la Lune des Foins est la lune de Juin : c’est le début de l’été, les vacances qui s’annoncent, un sentiment de légèreté qui prend de plus en plus de place jusqu’à m’envahir entièrement et qu’il est alors temps de prendre le large et de faire place à l’insouciance et la liberté. 

Un peu comme une montgolfière qui s’envole, peut-être d’ailleurs une de celles que Nelly a si poétiquement photographiées sur son blog.

Cette fois-ci, cette période a été plus laborieuse. 

Ce n’étaient pas de joyeuses fenaison en famille, à retourner le foin pour le faire sécher au soleil, à le placer en ligne pour qu’il soit ensuite bottelé. Où s’en seraient suivis un repas joyeux entre moissonneurs, sur de longues tablées, à rire, chanter et danser jusqu’à ce que la Lune se lève.

Mais ce fut plus mécanique, plus cadré, moins sentimental. Presque à la moissonneuse-batteuse, avec fracas et  dents d’acier. Happée et poussée à faire les choses rapidement, méthodiquement… et sans flâner.

 

La fenaison, dans la ferme de mes parents, presqu’à l’ancienne avec vieux tracteurs et fourches…

D’abord dans son ambiance

L’été a été long à s’installer. Les pluies ont arrosé quotidiennement les sols, les nuages étaient gris, des journées à parfois ne pas voir le soleil…

Un sentiment diffus de lassitude. L’attente que quelque chose se passe. Comme une enfant qui regarde par la fenêtre, qui guette quand la pluie va cesser pour enfin pouvoir aller jouer dehors. 

Les foins ne pouvaient être faits. 

Et puis, tout s’est ensuite accéléré.

Mais de façon précipitée. 

Se presser de rentrer le foin tant qu’il fait beau de peur qu’il ne pleuve avant eu le temps de faire sécher.

Cela s’est ressenti dans mon travail en entreprise : des “urgences” à traiter qui viennent s’empiler les unes sur les autres, des dossiers à boucler avant la fermeture annuelle pour les congés du mois d‘août, des obligations qui s’accumulent, des réunions qui s’éternisent, des tâches qui commencent … 

Et puis aussi, des jalons que je me suis moi-même fixés dans mes activités personnelles.

D’abord, mon livre à boucler : je voulais le voir publier dans l’été. 

Mais je n’avais pas forcément anticipé les mille et une petites choses à régler qui rendraient la naissance de cet ouvrage douce et sereine.

La période d’édition a été plus longue que prévue : des passages à réécrire, la mise en forme à reprendre, le texte qui dépasse de quelques millimètres sur la marge ou au contraire les images qui ne dépassent pas assez sur le fond perdu, soumettre à nouveau le manuscrit… Attendre plusieurs jours son approbation… ou son refus ! Pour réajuster quelques alignements de marge, compresser certaines images,…

Heureusement que j’ai été soutenue par Jalan Jagat eli qui m’a apporté tous ces précieux conseils et son oeil d’artiste pour terminer au mieux le trousseau de naissance de ce livre.

Et là encore, je voulais aller vite… peut-être trop : j’avais envie de le voir publié avant même que l’encre ne soit sec….

Et puis, c’est peut-être bête, mais plus un projet est sur le point d’aboutir, plus l’angoisse de tout voir tomber à l’eau grandit…

Par la force des choses, j’ai appris à patienter, à prendre du recul et à me détacher des résultats.

Enfin, dans un tout autre domaine : un grand ménage de début d’été, entamé alors que mes enfants ne sont pas à la maison : pour faire du tri un peu plus facilement. Et aussi ne pas se décourager qu’à peine les chambres rangées, mes deux petites terreur ont mis le bazar dans la salle de jeux…

Mais cela implique d’oser ouvrir des boîtes de Pandore : le coffre à jouet, les paniers, le dessous du lit, les armoires… 

Quel bazar avant que tout ne puisse se retrouver un tant soit peu maîtrisé : du moins … (ce fut une excuse de jouer à décorer la maison de barbies de Pauline et de m’amuser à les habiller – bon, même si ce n’est pas trop mon style vestimentaire à vrai dire…) 

Des difficultés à écrire le matin, ou peut-être aussi tout simplement plus l’habitude : ces heures que je passais auparavant à écrire pour mon blog ou mon livre, étaient consacrées à fusionner des pdf, à corriger des fautes de grammaires, à reprendre des numéros de pages… 

Non, que ce fut inintéressant, mais mes doigts s’ankylosaient sur le clavier et ma tête s’embrumait… 

Pas de lignes directrice à suivre pour guider le stylo. Alors j’allais vers la facilité… et l’inspiration retombait.

J’avais envie de bottes de foin bien carrées, bien ficelées… c’étaient plutôt des meules à l’ancienne qui s’amoncelaient devant moi.

Avec des doutes dans mes projets : l’été bat son plein et je n’ai aucune idée de ce que la rentrée réserve… ni de ce que je vais faire de tout ce foin amassé.

Retour à la simplicité

Par la force des choses, je me retrouvais tenue d’attendre. De composer avec ce contexte étrange et si incertain….

Alors, je me suis accordée des pauses. 

Prendre le temps de flâner dans les champs. De lire des romans en pleine journée alors que le soleil cognait. 

Cela n’est pas forcément quelque chose de facile pour moi. 

Mais, mes retrouvailles avec la Bretagne ont engendré cette envie de retour aux choses simples. 

Comme depuis quelques années, aux alentours du 14 juillet, j’amène mes enfants chez mes parents pour qu’ils les gardent, le temps que mon mari et moi puissions prendre des vacances.

Quand je retourne dans la maison de mes parents, le temps de quelques jours, je redeviens l’enfant dans la maison de mes parents. J’ai une autre place, qui permet de goûter plus d’innocence, de candeur, de liberté. 

Alors, entre nos 3 générations, nous avons joué.

A un chouette jeu de piste à faire dans la vallée de l’Aulne sur les traces du voleur d’un tableau de Paul Cerisier.  Un parcours et une histoire bien ficelés à se promener dans un charmant village où mon père avait été professeur et qu’il a pris plaisir à redécouvrir avec ses petits-enfants. 

A faire des châteaux de sable sur les longues plages du Finistère.

A se promener sur Bill et Bayard, les deux ânes sympathiques de la maison.

 

Des moments précieux. 

Pour me souvenir de ce que cela fait de se faire traverser par ce sentiment grisant de liberté, tellement facile à palper lorsque l’on nage dans l’océan.

Cette vague de liberté, je l’ai gardée au creux de moi.

Je suis rentrée à la maison, le dimanche matin.

La maison était calme. Juste mon mari, la chienne et les chats.

Cette envie de simplicité s’est étirée tout au long des jours. 

Avec des activités que je n’ai plus l’habitude de faire : un apéro qui se prolonge avec mon amie Amandine, à discuter de nos projets, de nos envies, de nos familles…

Une promenade avec Nadège, une autre prof de yoga des environs, à parler de nos pratiques et de la future rentrée.

La simplicité aussi de donner des cours de yoga dans mon espace. A une voisine du village.

Sans écran interposé. Partager les mêmes vibrations dans une même pièce, sans avoir à meubler les silences par peur qu’ils paraissent mal à l’aise sur vidéo, sans devoir recadrer la caméra, sans gérer les micros.

Cela m’a redonné envie de donner des cours de yoga “en présentiel”. Rassemblés dans une même salle .

Avec une certaine nostalgie des premiers cours que je donnais dans l’ancien presbytère du village : l’odeur des radiateurs les soirs d’automne, la poussière de la salle ouverte seulement une fois par semaine, le bruit des voitures qui passent sur la rue environnante….

mais, malgré ces désagréments, les rires de Francine, le sourire de Katia, les papotages de voisinage avec Charlotte… C’était facile et évident.

Alors, je me dis qu’il serait peut-être temps de commencer à chercher une salle pour la rentrée, refaire un petit groupe de yoga et partager de nouvelles expériences. Ensemble, tout simplement.

Des foins magiques

 

Alors, des idées se sont mises à nouveau à germer.

Refaire les choses. 

Différemment et plus simplement. 

Sans enrubanner les bottes de foin, aller à l’essentiel sans chemin détourné.

Lorsque je lève les yeux au ciel certaine nuit et que je vois la Lune, jaune paille, ronde comme un round-ball, c’est la confiance envers l’Univers qui m’envahit. 

Un sentiment d’être à la juste place au bon moment et qui donne envie de se laisser porter par les vagues qui naîtront. 

Un des plus beaux apprentissages que j’ai fait au cours de cette lunaison, c’est d’apprendre à suivre cette lumière. Toute petite étincelle d’abord.

C’est en osant m’ouvrir aux autres et aller un peu plus à leur rencontre que j’ai pu sentir sa chaleur et sa puissance.

Que ce soit lors d’un cours de yoga, d’une discussion entre amis, d’une baignade dans l’océan…

Lors de l’écriture de mon livre, j’ai demandé à des élèves, des pratiquants de yoga rencontrés au gré des hasards.. de raconter un bout de leur histoire avec le yoga afin qu’il soit ensuite illustré par Jalan Jagat eli, l’aquarelliste du livre.

Il s’ensuivit de très beaux échanges, des contacts renoués, des nouvelles échangées.

Tout cela s’est joliment conclu par un joli feu d’artifice lorsque Jalan Jagat eli m’a demandé de remettre leurs dessins aux Muses qui les avaient inspirés. 

Ce fut un si beau cadeau de sa part. 

Et bien au-delà, de l’aspect concret et frappant de la beauté des illustrations. 

Aussi – et peut-être surtout – pour ressentir l’énergie de ces dessins, d’abord compactée dans un même courrier, si bien empaqueté par Jalan Jagat eli. C’était tellement fort, comme si chacune des aquarelles ne pouvait tenir en place et brûlait de rejoindre son ou sa propriétaire de cœur. 

Lorsque je me suis amusée à envoyer ces sublimes aquarelles aux quatre coins du monde et à travers la France.

C’était comme répandre les pétales de douceur et de poésie que Jalan Jagat eli avait su faire fleurir dans le terreau de leur confidence.

C’est cette leçon transmise par Jalan Jagat eli qui m’a fait énormément grandir : celle du bonheur de faire circuler les énergies comme on sème des intentions de paix et de bienveillance. A son niveau, essayer de rendre le monde plus doux. Même si cela semble être si infime ou un coup d’épée dans l’eau.

Car, comme une chère amie m’a rappelé cette citation de Rumi : 

« Tu crois être une goutte d’eau dans l’océan. En réalité, tu es un océan dans une goutte d’eau. »

Qu’ils sont beaux les signes que l’Univers nous met sur notre chemin, que la vie est magique lorsque nous nous ouvrons aux autres.

C’est peut-être lorsque que l’on ne la cherche pas que l’on trouve cette fameuse aiguille dans la botte de foin. Dans les choses simples et évidentes.

La Lune des foins se fâne, celle des Herbes se lève.

De nouveaux chapitres à écrire, de nouvelles rencontres à faire, de nouvelles leçons à apprendre.

Aller vers l’étincelle et la joie. Sans regarder en arrière.

Le foin est dans les greniers, nous pouvons avancer avec confiance.  

“Effrite-toi,

pour que les fleurs sauvages poussent là où tu es.

Tu as été pierreux pendant tellement d’années,

Essaye quelque chose de différent,

Abandonne-toi.”

Rumi

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